Cher monsieur Mangold, cessez de parler constamment « des professeurs » comme s’ils formaient un bloc. Chaque professeur a sa personnalité, ses qualités et ses défauts. Et ils ne se « lamentent » pas. Pour les plus anciens dont je fais partie, ils s’inquiètent de la dérive de notre système éducatif vers le moins disant culturel. Sur le plan matériel, les plus jeunes se plaignent à juste titre. J’ai commencé en 1979, comme professeur agrégé dans un lycée d’une petite ville de province. J’étais un « roi ». Aujourd’hui mes jeunes collègues galèrent pour s’en sortir. Même si je ne partage pas leur culture, après tout ils étaient nos élèves il y a une dizaine d’années et la décomposition avait déjà commencé, ils sont attachants. J’ai avec moi cette année un jeune néocertifié, sympathique et touchant, tellement soucieux de bien faire que je lui ai donné mon premier conseil, « ménagez-vous jeune homme, la carrière est longue. » Monsieur Mangold, pour critiquer le métier de professeur, il faut d’abord l’aimer, ce qui manifestement vous dérange. Une dernière chose, c’est un milieu respectueux et d’une grande tolérance. Je suis de droite, disons du centre-droit, catholique pratiquant, adhérent du SNALC et j’ai des opinions que l’on qualifie aujourd’hui d’élitistes. Mais je crois encore aux vertus de l’école de la République, et jamais un de mes collègues ne m’a reproché mes engagements dont pourtant je ne me cache pas. Sans doute le corps professoral compte-t-il son lot d’imbéciles et d’incapables. Mais j’ai la faiblesse de penser qu’il y en a moins que dans d’autres métiers. Je lis vos réactions depuis longtemps et vous avez du être bien malheureux sur les bancs de l’école. Moi qui y ai passé ma vie, j’y suis heureux et je m’inquiète d’en finir bientôt. Cordialement et sans rancune, cher Monsieur.
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